Femmes d'Europe
1977 (EC Commission DGX) - 1992Identity Area
Women of Europe
Frauen Europas
Description Area
Dès 1962 la Commission des Communautés européennes, bien que ne disposant pas de mandat particulier, entra en contact avec des organisations féminines par le biais de la DGX (Audiovisuel, Information, Communication, Culture). Son action fut encouragée par l'épanouissement des mouvements d'émancipation féminine à la fin des années '60. En avril 1968, la Commission réunit à Bruxelles les rédacteurs en chef des principaux titres de la presse féminine. Une nouvelle impulsion fut donnée lorsque les Nations unies proclamèrent 1975 Année internationale de la femme. Fausta Deshormes, travaillant temporairement dans le cabinet du commissaire Carlo Scarascia Mugnozza, fut chargée de suivre les préparatifs de la DGX (direction où cette journaliste italienne, juriste de formation, s'était jusqu'alors occupée des relations avec les universités et les organisations de jeunesse). La Commission commandita notamment une enquête sur 'les femmes et la CE' et organisa un colloque des associations féminines en mars 1976 pour leur en soumettre les résultats. Les 120 congressistes formulèrent le voeu de voir créer une structure stable qui leur fournît une information permanente. Cette requête donna lieu en novembre 1976 à la création de la cellule 'Information des organisations et de la presse féminines'. Rattachée à la DGX et placée sous la responsabilité de Fausta Deshormes, elle commença à fonctionner en janvier 1977. Dépendant directement du directeur général, elle ne reçut pas, avec la qualification ultérieure de 'service Information femmes', une place officielle dans l'organigramme de la DGX.
Le service entretint le dialogue avec et entre les femmes. Il les informait et les documentait sur les divers aspects de l'intégration européenne, il les aidait à échanger expériences et nouvelles. Pour ce faire, il continua de s'adresser aux associations, fortes de millions d'adhérentes, et à la presse féminines. S'y ajoutèrent les centres universitaires de recherche sur les femmes. Pour atteindre ses objectifs, le service agit notamment dans deux directions. Il soutint financièrement et moralement l'organisation de colloques féminins pour favoriser la cohésion des organisations de femmes. D'autre part, il publia une série de bulletins de liaison et d'information. Le bulletin "Femmes d'Europe", complété par des suppléments puis des cahiers monographiques, devint une sorte de journal officiel des femmes mais il accorda aussi une large place à l'information sur la vie militante. L'élection du Parlement européen au suffrage universel direct, prévue pour 1979, offrit un terrain d'action privilégié au nouveau service. Sa première campagne de sensibilisation de l'opinion publique féminine se focalisa avec succès sur l'événement : 16% de femmes obtinrent un mandat contre 6% dans la législature précédente.
Du fait des relations que la cellule Information femmes entretint avec d'autres services et organisations, les documents illustrent partiellement les autres pans de l'action communautaire en faveur de l'égalité entre hommes et femmes. En effet, la Commission des CE disposait de compétences en vertu du principe de l'égalité des rémunérations entre hommes et femmes consigné dans l'article 119 du traité de Rome au chapitre 'Dispositions sociales'. Suite au sommet de Paris, elle élabora un programme d'action sociale dont l'un des objectifs était d'assurer l'égalité entre hommes et femmes sur le marché de l'emploi. Elle encouragea le Conseil à approuver des directives sur l'égalité de traitement (1975), sur la parité dans l'accès à l'emploi, la formation, la promotion et dans les conditions de travail (1976), sur l'égalité de traitement en matière de sécurité sociale (1978), sur l'égalité de traitement entre hommes et femmes exerçant une activité indépendante, y compris dans l'agriculture, ainsi que sur la protection de la maternité (1986). Pour faciliter leur application, la Commission mit en place en novembre 1976 un bureau pour les problèmes concernant l'emploi des femmes, rattaché à la DGV (Emploi, relations industrielles et Affaires sociales).
Une nouvelle phase d'action fut inaugurée en 1982 avec l'adoption d'une série de programmes d'action communautaires dont l'objectif était de promouvoir l'égalité non seulement dans la loi mais dans les faits. Les mesures normatives furent assorties de mesures d'accompagnement propres à induire dans le même temps un changement des mentalités. Des 'actions positives' furent également lancées. Des réseaux européens d'experts indépendants (ILE : Initiatives locales d'emploi, IRIS: formation pour les femmes...) furent mis en place.;En vertu des traités de Rome, la Commission diposait également d'instruments financiers tel le Fonds social européen. Elle y recourut notamment pour financer la formation professionnelle des femmes dans la mesure où celles-ci appartenaient à la catégorie des personnes vulnérables sur le marché de l'emploi.
De son côté, le nouveau Parlement européen (dont la présidence avait été attribuée à une femme) vota la création d'une commission ad hoc pour les Droits des femmes (10/1979). Cette dernière fut chargée d'organiser un débat sur la situation des femmes dans la Communauté à partir d'un rapport fourni par la Commission des CE. Une commission d'enquête sur la situation des femmes en Europe (1981) puis une commission des Droits de la femme lui succédèrent (1984). Cette dernière élabora des rapports sur les propositions de la Commission CE avec laquelle elle collaborait, tint des auditions publiques, intervint en faveur des femmes dans le budget communautaire et se vit consultée pour avis sur les diverses questions soumises au PE qui concernaient directement ou indirectement les femmes.
Dans un jeu d'interaction, l'action communautaire en faveur des femmes et l'action féministe continuèrent d'évoluer dans leurs formes. La création du Lobby européen des femmes (1990), favorisée par la Commission des CE et notamment par le service Information Femmes, marqua une étape importante dans l'organisation féministe (jusque là, la situation des mouvements féminins avait été caractérisée par l'éparpillement). D'autre part, l'avènement du Marché unique officialisa la dimension sociale de la Communauté. La Charte des droits sociaux fondamentaux adoptée en 1989 incorpora de nombreux points intéressant la vie des femmes (égalité de traitement, parité d'accès à la formation professionnelle, à la santé...). Le défi de l'action sociale de la Communauté changea de dimension en s'élargissant. Les femmes étaient prêtes désormais à faire entendre leurs voix dans l'Europe des citoyens. Leurs associations figuraient désormais au nombre de celles qui émergaient, désireuses de jouer un rôle politique et social dans la nouvelle Europe de 1992. Le dernier numéro de "Femmes d'Europe" parut en juillet 1991. Fausta Deshormes prit sa retraite en 1992.
(Notice rédigée par Catherine Previti Allaire, archiviste aux AHUE, 2003)
Cf. Catherine Previti Allaire « Femmes d’Europe : une revue communautaire pour une prise de conscience européenne (1961-1992) », La société civile organisée contre l’État (France, Europe, du XIXe siècle à nos jours), dir. Christine Bouneau et Nicolas Patin, Pessac, Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine, 2020, pp. 75-96.
Relations Area
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1977 (EC Commission DGX) - 1992Identity Area
Women of Europe
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Dès 1962 la Commission des Communautés européennes, bien que ne disposant pas de mandat particulier, entra en contact avec des organisations féminines par le biais de la DGX (Audiovisuel, Information, Communication, Culture). Son action fut encouragée par l'épanouissement des mouvements d'émancipation féminine à la fin des années '60. En avril 1968, la Commission réunit à Bruxelles les rédacteurs en chef des principaux titres de la presse féminine. Une nouvelle impulsion fut donnée lorsque les Nations unies proclamèrent 1975 Année internationale de la femme. Fausta Deshormes, travaillant temporairement dans le cabinet du commissaire Carlo Scarascia Mugnozza, fut chargée de suivre les préparatifs de la DGX (direction où cette journaliste italienne, juriste de formation, s'était jusqu'alors occupée des relations avec les universités et les organisations de jeunesse). La Commission commandita notamment une enquête sur 'les femmes et la CE' et organisa un colloque des associations féminines en mars 1976 pour leur en soumettre les résultats. Les 120 congressistes formulèrent le voeu de voir créer une structure stable qui leur fournît une information permanente. Cette requête donna lieu en novembre 1976 à la création de la cellule 'Information des organisations et de la presse féminines'. Rattachée à la DGX et placée sous la responsabilité de Fausta Deshormes, elle commença à fonctionner en janvier 1977. Dépendant directement du directeur général, elle ne reçut pas, avec la qualification ultérieure de 'service Information femmes', une place officielle dans l'organigramme de la DGX.
Le service entretint le dialogue avec et entre les femmes. Il les informait et les documentait sur les divers aspects de l'intégration européenne, il les aidait à échanger expériences et nouvelles. Pour ce faire, il continua de s'adresser aux associations, fortes de millions d'adhérentes, et à la presse féminines. S'y ajoutèrent les centres universitaires de recherche sur les femmes. Pour atteindre ses objectifs, le service agit notamment dans deux directions. Il soutint financièrement et moralement l'organisation de colloques féminins pour favoriser la cohésion des organisations de femmes. D'autre part, il publia une série de bulletins de liaison et d'information. Le bulletin "Femmes d'Europe", complété par des suppléments puis des cahiers monographiques, devint une sorte de journal officiel des femmes mais il accorda aussi une large place à l'information sur la vie militante. L'élection du Parlement européen au suffrage universel direct, prévue pour 1979, offrit un terrain d'action privilégié au nouveau service. Sa première campagne de sensibilisation de l'opinion publique féminine se focalisa avec succès sur l'événement : 16% de femmes obtinrent un mandat contre 6% dans la législature précédente.
Du fait des relations que la cellule Information femmes entretint avec d'autres services et organisations, les documents illustrent partiellement les autres pans de l'action communautaire en faveur de l'égalité entre hommes et femmes. En effet, la Commission des CE disposait de compétences en vertu du principe de l'égalité des rémunérations entre hommes et femmes consigné dans l'article 119 du traité de Rome au chapitre 'Dispositions sociales'. Suite au sommet de Paris, elle élabora un programme d'action sociale dont l'un des objectifs était d'assurer l'égalité entre hommes et femmes sur le marché de l'emploi. Elle encouragea le Conseil à approuver des directives sur l'égalité de traitement (1975), sur la parité dans l'accès à l'emploi, la formation, la promotion et dans les conditions de travail (1976), sur l'égalité de traitement en matière de sécurité sociale (1978), sur l'égalité de traitement entre hommes et femmes exerçant une activité indépendante, y compris dans l'agriculture, ainsi que sur la protection de la maternité (1986). Pour faciliter leur application, la Commission mit en place en novembre 1976 un bureau pour les problèmes concernant l'emploi des femmes, rattaché à la DGV (Emploi, relations industrielles et Affaires sociales).
Une nouvelle phase d'action fut inaugurée en 1982 avec l'adoption d'une série de programmes d'action communautaires dont l'objectif était de promouvoir l'égalité non seulement dans la loi mais dans les faits. Les mesures normatives furent assorties de mesures d'accompagnement propres à induire dans le même temps un changement des mentalités. Des 'actions positives' furent également lancées. Des réseaux européens d'experts indépendants (ILE : Initiatives locales d'emploi, IRIS: formation pour les femmes...) furent mis en place.;En vertu des traités de Rome, la Commission diposait également d'instruments financiers tel le Fonds social européen. Elle y recourut notamment pour financer la formation professionnelle des femmes dans la mesure où celles-ci appartenaient à la catégorie des personnes vulnérables sur le marché de l'emploi.
De son côté, le nouveau Parlement européen (dont la présidence avait été attribuée à une femme) vota la création d'une commission ad hoc pour les Droits des femmes (10/1979). Cette dernière fut chargée d'organiser un débat sur la situation des femmes dans la Communauté à partir d'un rapport fourni par la Commission des CE. Une commission d'enquête sur la situation des femmes en Europe (1981) puis une commission des Droits de la femme lui succédèrent (1984). Cette dernière élabora des rapports sur les propositions de la Commission CE avec laquelle elle collaborait, tint des auditions publiques, intervint en faveur des femmes dans le budget communautaire et se vit consultée pour avis sur les diverses questions soumises au PE qui concernaient directement ou indirectement les femmes.
Dans un jeu d'interaction, l'action communautaire en faveur des femmes et l'action féministe continuèrent d'évoluer dans leurs formes. La création du Lobby européen des femmes (1990), favorisée par la Commission des CE et notamment par le service Information Femmes, marqua une étape importante dans l'organisation féministe (jusque là, la situation des mouvements féminins avait été caractérisée par l'éparpillement). D'autre part, l'avènement du Marché unique officialisa la dimension sociale de la Communauté. La Charte des droits sociaux fondamentaux adoptée en 1989 incorpora de nombreux points intéressant la vie des femmes (égalité de traitement, parité d'accès à la formation professionnelle, à la santé...). Le défi de l'action sociale de la Communauté changea de dimension en s'élargissant. Les femmes étaient prêtes désormais à faire entendre leurs voix dans l'Europe des citoyens. Leurs associations figuraient désormais au nombre de celles qui émergaient, désireuses de jouer un rôle politique et social dans la nouvelle Europe de 1992. Le dernier numéro de "Femmes d'Europe" parut en juillet 1991. Fausta Deshormes prit sa retraite en 1992.
(Notice rédigée par Catherine Previti Allaire, archiviste aux AHUE, 2003)
Cf. Catherine Previti Allaire « Femmes d’Europe : une revue communautaire pour une prise de conscience européenne (1961-1992) », La société civile organisée contre l’État (France, Europe, du XIXe siècle à nos jours), dir. Christine Bouneau et Nicolas Patin, Pessac, Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine, 2020, pp. 75-96.